Un homme idéal
Cet homme idéal est-il réellement idéal ? Trop ou trop peu ?
Le trop est l’ennemi du bien dit-on, non ? Cela peut s’avérer vrai, sauf dans certains cas: l’absurde notamment, ou la volonté d'invraisemblance.
Toute la question ici est de savoir si on a envie de croire ou non à cette histoire rocambolesque d’un homme qui, pour préserver son succès, est prêt à tout ? Même à tomber dans un engrenage absurde de situations macabres toutes aussi saugrenues les unes que les autres ?
De mon point de vue, il y a deux manières d’aborder ce film... l’une consiste à mettre le doigt sur toutes les invraisemblances et les absurdités du scénario, qui, il est vrai, sont nombreuses et tendent à nous faire prendre des vessies pour des lanternes au coeur d’un thriller pré-mâché qui s’est contenté de rassembler, un à un, les codes du genre et de nous les proposer tels quels à l’écran... L’autre consiste à ne pas chercher à s’attacher absolument à la part de réalisme là-dedans (de toute manière, c’est assez difficile de savoir concrètement comment on s’y prendrait vraiment pour se débarrasser d’un cadavre... à moins que... et d’autre part, il est plus probablement que la presse découvre une imposture du genre plagia et en fasse ses gros titres (et fasse ainsi vendre 10 fois plus de livres à son auteur) plutôt que l’auteur subisse les affres d’un odieux chantage qui le pousse au crime... cela dit, ce n’est que mon point de vue).
Cela étant dit, le postulat de départ du scénario étant quand même malin: l’auteur à priori sans talent qui trouve LE manuscrit parfait pour accéder à la gloire, c’était cousu de fil blanc, mais plutôt bien pensé, surtout au regard de la fin qui semble démontrer que ce n’est pas tant que le jeune auteur n’a pas de talent, c’est simplement qu’il n’a tellement rien vécu qu’il n’a rien à écrire... alors il s’approprie l’histoire d’un autre... et à priori, après avoir trucider et empaqueter un homme, il trouve l’inspiration, comme quoi, il suffisait d’un peu d’imagination !!
Bref, si le film est prévisible à bien des titres, et si cette fin était (pour moi en tout cas) une évidence, il n’en reste pas moins quelques points positifs:
- le premier c’est indéniablement Pierre Niney. Oui, je sais, on en a assez de ce rabâchage encensé du talent de l’acteur récemment démissionnaire de la comédie française, et oui, certainement un autre aurait pu incarner le rôle à merveille, mais, il faut admettre que la performance qu’il propose est très intéressante. Je m’explique. Déjà, il a plus ou moins le même âge que son personnage, et certainement le recul nécessaire pour envisager la reconnaissance d’un travail acharné sans en faire une obsession, ce qui lui permet d’être critique quant à son interprétation et ce qui lui permet aussi une certaine mise en abîme du sentiment de reconnaissance qui donne indéniablement de la profondeur à son jeu. D’autre part, il a ce physique tellement expressif qui le rend crédible, à la fois dans le doute, dans la panique, dans l’imposture, dans l’intelligence, dans l’insolence et dans la fragilité. A chaque fois que le scénario devient bancal, il le rend crédible, parce qu’il dégage cette assurance et cette possibilité incarnée tout à fait saisissante. Je crois que cette idée est rendue véritable par le sentiment qu’il ne cherche pas à comprendre son personnage, mais que simplement il le ressent... Et il nous convainc de ce sentiment. C’est remarquable.
- le second c’est évidemment Ana Girardot... certes un peu éclipsée par son illustre camarade de jeu, mais qui, dans sa fraîcheur et sa fragilité, rend crédible, une fois encore, l’absurdité du propos et du personnage de Mathieu.
- le dernier, c’est évidemment la photo et la mise en scène, qui créaient un univers tellement emprunt de références au genre que ça en devient beau ! Mention spéciale à la lumière si délicate du bord de mer qui dans sa douceur renforce la tension du propos.
En conclusion, le film en soit est bancal, parce que tout est trop et trop peu crédible à la base. Un scénario trop évident, une tension trop mise en scène (tant est si bien qu’au final il n’y a plus vraiment de tension), des situations trop attendues, trop de références, trop d’absurde. En vrai, je l’ai dit au début, le petit auteur aurait été décrié par la presse et au mieux s’en serait remis en réalisant une autre imposture (Mathieu Vasseur en a sans conteste l’intelligence à priori) et au pire se serait suicidé (Mathieu Vasseur n’en a visiblement pas l’étoffe...). Mais au final, ce trop plein génère un style (visuellement pas désagréable) largement étayé par un personnage habilement et «idéalement» interprété par Pierre Niney, qui nous fait basculer d’un très moyen à un pas si inintéressant que cela...
Dans son ensemble pas convainquant, mais regardable et à quelques égards, presque remarquable.