Voir ou ne pas voir #3: Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud

Le prochain Jean-Jacques Annaud sort le 25 Février, après 7 ans de préparation et une campagne médiatique remarquable... difficile de passer à côté, et pourtant, je me pose la question de savoir si oui ou non je vais me résoudre à aller le voir...

On en parle ?!

1. J’ai vu la bande annonce et je me suis dit que non, ça allait définitivement pas être possible ! 

• Pour la simple et bonne raison qu’en à peine 2 minutes une boule s’était déjà formé au fond de ma gorge et des larmes menaçaient de couler sur mes joues... 
• Et que je m’étais déjà exclamé tout haut «oh comme il est adorable !!» à propos du louveteau de 4 semaines, pareil à une toute mignonne boule de poils fragile... arrggghhhh je fond, je me liquéfie... (j’ai un sérieux problème à résoudre avec mon affect relatif aux animaux... je sais, je sais... et pas que... oui je sais aussi !!.... bref! ...  je me soigne, je vous assure !) ;-)

 2. Vous connaissez ma relation difficile aux films sur-attendus par la critique et le public ?! (non, pas encore ?... c’est que vous êtes nouveaux lecteurs alors, je vous pardonne !!) C'est très simple: ils me font fuir en moins de temps qu’il ne faut pour le dire... (mais parfois, je cède... au bout de la 7e semaine en salle... quand il n’y a plus personne sauf moi qui ne les ai pas vu... oui, je sais, je suis un être faible (je me soigne aussi !!) ;-)

3. Je ne suis pas une grande fan de Jean-Jacques Annaud (ayez pitié de moi, merci !) ... je m’explique ?!

• Je trouve toujours ses films trop longs et je finis indubitablement par m’ennuyer sévèrement alors que tout le monde renifle d’émotion :-/ (oui je suis irrécupérable... I know...)
• Et paradoxalement, j’ai trop pleuré devant L’Ours, le grand traumatisme de mon enfance... je ne m’en suis jamais vraiment remise (et je suis très sérieuse...! Je ne sais même pas comment j’ai pu me mettre à aimer le cinéma après ça... ou peut-être que ça m’a ouvert les yeux sur la possibilité de voir le cinéma comme un vecteur de (re)sentiments ?! ... Je dois creuser cette idée je crois....! Bref !)
• Mais sinon, hormis le fait que je pleure comme une madeleine, je ne suis pas sensible aux sujets que JJ Annaud aborde au cinéma (ou en tout cas, pas de la manière dont il le fait... c’est un peu... «trop» ...??...)

Cela étant dit... (vous allez voir, je ne suis que contradiction !!)

1. «L’Amant» est au panthéon de mes films préférés (Ne faites pas de commentaires, je vais très mal le vivre sinon !!)

2. Je suis d’accord pour admettre que Annaud est un génie pour filmer et monter des images à couper le souffle avec une photo juste ahurissante...

 3. Je vénère la somme de travail nécessaire pour réaliser un film qui met en scène des animaux... le dressage, la patience, les contraintes de tournages, la nécessaire confiance réciproque animaux/équipes techniques... et ici notamment:

• Des recherches impressionnantes à propos des loups de steppes de Mongolie
• Le dressage de plusieurs dizaines d’animaux qui a nécessité:

• un dresseur de loups (et sa famille) venu du Canada s’installer en Chine 3 ans avant le début du tournage
• 3 meutes de loups différentes élevées et dressées pour avoir à disposition des loups de tous les âges et suivre l’évolution du louveteau héros du film
• des milliers d’heures de travail avec les animaux pour une scène d’à peine quelques minutes...
• et au total environ 25 loups, 200 chevaux et plus d’un millier de moutons à gérer...

4. Toutes les scènes ont été tournées en Mongolie exclusivement. Tous les paysages sont réels. Et toutes les saisons sont représentées. Rien que la logistique du tournage est impressionnante... (OK, il faut le dire, c’est aussi un budget colossal de 38 millions de dollars... :-/) 

5. Ce film est par ailleurs l’adaptation d’un Best-Seller en Chine «Le Totem du loup» de Jiang Rong, qui a contribué à faire bouger les consciences sur la société face à la politique environnementale notamment mais qui a également ouvert une polémique raciale (et raciste) qui continue de faire des vagues en Chine*... Livre non censuré en 2004 car d’abord passé totalement inaperçu auprès des autorités grâce au secret de la véritable identité de son auteur, il a été finalement diffusé à environ 20 millions d’exemplaires (plus ou moins officiels...) en Chine et traduit dans de nombreux pays (notamment en France en 2008) 

Alors vous l'aurez compris je réfléchis... d’un côté, je n’ai pas envie de pleurer pendant presque deux heures (oui, le fond du problème c’est peut-être ça, tout bêtement !!) et de l’autre, le sujet m’interpèle et je suis curieuse de savoir si Annaud a réussi le pari d’en faire un film à la fois sublime et politiquement remarquable... 

Il faut savoir que le film n’a pas été censuré en Chine (sauf une scène de nudité, autant dire, hors propos avec le problème politique de fond...) et mieux que ça, non seulement il a été très bien accueilli mais en plus c’est la co-production franco-Chinoise la plus importante de l’histoire (au moins récente) du cinéma...

Donc j’ai de sérieux doutes quand à l’implication politique... 

Cela dit... ça reste certainement un film techniquement impressionnant...

Vous le voyez, je n’ai donc toujours pas pris de décision, mais vous, irez-vous le voir ? Avec quelle motivation ?

* D’où par la polémique ? C’est assez simple: Au départ, de l’auteur de ce livre on ne connaît pas grand chose (il reste anonyme pendant les premières années du succès du livre) si ce n’est qu’il est âgé d’une 50aine d’années et qu’il enseigne l’économie politique à Pékin. Le livre parle de sa propre expérience de jeunesse en tant que «réformateur» des populations des steppes de Mongolie intérieure. Sous couvert de faire un éloge du loup (mode de vie, détail de sa relation aux populations, intelligence, détermination...) certains y voient l’ouverture d’un débat à propos de la société chinoise (les Han notamment, ethnie majoritaire en Chine, agriculteurs et pacifistes): «Ne devrait-elle pas s’imprégner de l’esprit du loup après n’avoir été si longtemps que des moutons ?...» L’apologie serait ainsi faite des nomades mongols, défenseurs des loups, et libres de leurs choix, loin d’accepter les dictatures subies par les Han. Le livre est donc très vite soutenu par les libéraux. L’auteur (dont la véritable identité est Lu Jiamin) s’inscrit dans ce mouvement démocratique en s’opposant aux Han et glorifiant la civilisation mongole... Il existe évidemment pléthore de documents sur les enjeux de ce livre en Chine et sur l’évolution des courants de pensées, notamment à partir du «Printemps de Pékin» dans lequel était engagé l’auteur auxquels il est assez facile d’accéder si le sujet vous intéresse... je vais donc arrêter là ma tartine géopolitique superficielle du jour, parce que ce n’est manifestement pas mon domaine de prédilection ! ;-)