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3 juin 2014

Liberté de Paul Eluard

La dernier film de Cronenberg «Maps to the Stars» nous a proposé, sur fond de conscience narcissique Hollywoodienne, une relecture de certaines strophes du poème de Paul Eluard, l’occasion pour moi de vous le retranscrire dans son intégralité et de vous parler un peu du poète.

 

«Liberté» est un poème écrit en 1942 sous le titre initial «Une seule pensée», véritable ode à la Liberté face à l’occupation allemande en France.

Paul Eluard dira: «Je pensais révéler pour conclure le nom de la femme que j’aimais, à qui ce poème était destiné. Mais je me suis vite aperçu que le seul mot que j’avais en tête était le mot Liberté (...)»

 

Membre des mouvements Dada puis surréaliste, Paul Eluard (1895-1952) est un poète engagé qui milite pour le parti communiste jusqu’en 1933, date à laquelle il en est exclu, sans pour autant perdre l’envie d’une poésie sociale et accessible à tous.

Engagé dans la résistance, il publiera de nombreux poèmes notamment au sein du recueil «Poésie et Vérité» qui s’ouvre par le poème «Liberté».

 

Depuis toujours souffrant physiquement (tuberculose en 1912, bronchite aigüe qui l’obligera à être démobilisé en 1914) et sentimentalement (il épouse Gala en 1917 qui le quitte en 1929 pour vivre avec Dali - qu’Eluard a rencontré avec toute l’avant-garde littéraire et artistique en 1918 - il épouse ensuite Maria Benz en 1944), il utilise ses failles pour produire une poésie surréaliste, lyrique et sensible, puis, fort de son expérience des combats et de la Résistance écrit progressivement une poésie plus engagée, plus politique. Ses poèmes deviennent des armes, de dénonciation et de révolte.

 

En 1942 «Liberté» fut traduit en 10 langues et parachuté par la Royal Air Force sur les zones occupées, selon la volonté de Paul Eluard de «retrouver, pour nuire à l’occupant, la liberté d’expression». 

 

« Liberté »

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Liberte_lurcat

 

Liberté, Tapisserie d'Aubusson réalisée par Jean Lurçat en 1943 en hommage au poème de Paul Eluard - exposée au Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine à Angers (donation Simone Lurçat 1988)

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Commentaires
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  • " (...) Seul un impuissant de l'esprit peut croire que le conte soit réservé à l'enfance, que la féérie soit une fuite de la réalité matérielle."
  • (Jim Léon)
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